Les Taux d’Intérêts Négatifs, les gagnants et les perdants

C’est un chamboulement économique dont nous n’avons pas encore vu tous les effets. Depuis juin dernier, l’Etat français emprunte à taux négatifs sur les marchés à 10 ans. Et, que ce soit pour les ménages et les entreprises, le loyer de l’argent baisse aussi à toute allure. 

L’Etat est évidemment le grand gagnant de ce phénomène. Le taux des obligations d’Etat à 10 ans était proche ce lundi de -0,35 % alors que le gouvernement prévoyait au printemps dernier que les taux longs seraient à 1,25 % à la fin de l’année. Un sérieux coup de pouce pour les finances publiques. 

Taux d\'intérêt négatifs : les gagnants et les perdants

Des économies pour l’Etat

La baisse des taux d’intérêt devrait générer 400 millions d’euros d’économies sur le coût de financement de l’Etat en 2019,  selon la Cour des Comptes . Et l’économie atteindrait 4 milliards l’an prochain si les taux se maintiennent au même niveau et même 22 milliards d’euros d’ici à 2022, selon le rapporteur général du Budget, le député LREM, Joël Giraud. De quoi  améliorer les comptes publics sans beaucoup d’efforts . 

Un impact positif pour les ménages

Pour les ménages, l’effet est moins facile à appréhender puisque ils sont emprunteurs mais aussi épargnants. Ceux qui mettent beaucoup d’argent de côté, souvent les plus aisés, seront affectés de façon négative,  les revenus de leur épargne chutant . Mais « l’impact global de la baisse des taux est positif pour les ménages », considère Laurent Clavel, responsable de la recherche d’AXA IM. « Ils peuvent renégocier leurs taux auprès de leur banque et donc baisser leurs mensualités, ce qui dégage des marges de manoeuvre pour consommer. Ou alors la baisse des taux leur permet d’augmenter leur capacité d’emprunt », explique-t-il. 

Le taux moyen pour un crédit immobilier à long terme est d’ailleurs passé de 1,62 % en juillet 2017 à 1,39 % le mois dernier. « Depuis 2013, la baisse des taux a fait gagner aux ménages français en moyenne un point de revenu disponible », soit environ 130 milliards d’euros, estime Anton Brender, chef économiste de Candriam. C’est beaucoup, mais « petit à petit, l’effet tend à s’estomper », tempère Florence Pisani, économiste chez Candriam. « Les charges d’intérêt ne représentent plus que 1 % de leur revenu disponible et elles ne pourront pas passer à zéro », souligne-t-elle. 

Attention toutefois, la dynamique du crédit aux ménages reste forte dans l’Hexagone et les ménages français sont plus endettés que leurs voisins. Fin 2018, la dette des Français représentait 95 % de leur revenu disponible, contre 83 % pour les Allemands et 61 % pour les Italiens. Et l’octroi de crédit augmente rapidement, de l’ordre de 6 % par an. C’est aussi le cas pour les entreprises françaises, dont l’endettement grimpe vite. 

Risque de bulle immobilière

L’autre risque, c’est celui de la formation d’une bulle immobilière. Plus les taux baissent, plus les ménages peuvent s’endetter pour acheter et plus les prix de l’immobilier grimpent.  Le Haut conseil de stabilité financière a ainsi mis sous surveillance le marché de l’immobilier « pour éviter des effets de débordement négatifs sur le reste de l’économie », dit-il dans son dernier rapport annuel. Un scénario à la japonaise au début des années 1990 serait une catastrophe. 

Enfin, la baisse des taux a tendance à fragiliser les banques, moins profitables. Pour l’instant, ce n’est pas ce qu’on voit en France mais il ne faudrait pas que la capacité des établissements financiers à distribuer du crédit soit à terme affectée, ce qui aurait alors un effet sur l’activité économique du pays. De même, les assureurs, qui vendent des produits d’épargne retraite, sont directement attaqués par les taux négatifs . D’autant qu’ils sont à la recherche de titres sûrs, comme les obligations allemande ou française, justement à taux négatifs. « Il est difficile de promettre à nos clients

un rendement négatif de 0,4 % », explique dans une litote un assureur.

%d blogueurs aiment cette page :